PRÊCHER LA MISÉRICORDE
Or si le remède vient de Dieu, on le découvre dans la misère elle-même. Un livre informe. Il indique la direction mais le lieu où la miséricorde se révèle en réalité est le cœur brisé et broyé. Sainte Catherine de Sienne, d’ailleurs, dans les trois degrés de la vie spirituelle, que sont les pieds, le cœur et la bouche de notre Seigneur, dit que si la bouche est le plus parfait de ces degrés, il doit passer toujours par le cœur ouvert du Crucifié. On ne prêche en effet la miséricorde qu’en la découvrant dans l’expérience de sa propre misère. Ainsi celui qui ne confesse pas ouvertement son péché, connaît la miséricorde de loin. Il croit que Dieu est miséricordieux mais n’ouvrant jamais la porte de son cœur, il est comme un homme qui, de sa fenêtre, contemple un cortège de richesse passer devant sa rue. Bref, prêcher la miséricorde demande de la connaître, au sens biblique du terme. Or on n’épouse la miséricorde que si on a le courage d’épouser sa misère. Voilà pourquoi elle est la plus redoutable des ascèses.
Mais elle est aussi la plus belle aussi. Car donner un cœur à nos misères, c’est alléger le fardeau d’autrui. Plus encore c’est permettre l’action la plus puissante de Dieu. En effet, dit saint Thomas d’Aquin, si en créant Dieu fait exister le bien à partir de rien, la miséricorde créé le bien à partir de ce qui s’oppose à Lui. La création est un acte sans obstacle, la miséricorde transforme nos maux en biens. Heureux ceux qui pleurent ils seront consolés. Pardonner, par exemple, n’est pas seulement soulager un lourd fardeau par une écoute compatissante (ce qui est déjà très fort) mais c’est recréer un cœur neuf pour un homme nouveau ! La récréation est en effet le sommet d’une conversion, le plus beau fruit de la prédication. Elle l’Effet de la Miséricorde. Cette compassion en disant non au mal qui nous ronge, fait advenir la Vie ! Le bienheureux père Lataste, aumônier de prisonnières, dans les retraites qu’il prêchaient à celles qui l’appelaient ses « chères sœurs », donnait à ses femmes l’occasion de découvrir qu’elles étaient aimées, préférées, désirées. À cette occasion, celles, nombreuses, qui recevaient son pardon découvraient que leur prison elle-même pouvait devenir le lieu d’une grande fécondité. Comme celle de nos moniales qui proches du Transpercé recueillent le précieux sang qui lave et nous relève.
Fr. Paul-Marie Cathelinais, op
Couvent de la Sainte-Baume